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Les Hommes de l'ombre : Julius Le Tutour

Dans ma série sur les Hommes de l'ombre, je m'attarde aujourd'hui sur Julius Le Tutour, chef des hippodromes parisiens du trot. Je tenais à remercier Monsieur Thibaut Ceffrey qui m'a donné l'accord pour réaliser cette interview.


Julius Le Tutour.



"Bonjour Julius, merci d'avoir accepté ma demande d'interview.


Tout d'abord, parlez-moi un peu de vous. Quel est votre parcours ?


- Mon parcours est un peu atypique. Je viens d'une famille qui a toujours été dans le monde du cheval. Mon arrière grand-père était marchand de chevaux, mon grand-père travaillait dans des haras nationaux et mon père était lui aussi dans des haras nationaux avant de prendre la tête de l'hippodrome d'Enghien et désormais celui de Cagnes-sur-Mer. Moi, à la base j'ai été dans l'équitation classique. J'étais cavalier de concours d'obstacles. J'ai fait mes études au Cadre noir de Saumur. Suite à ces études j'ai pu devenir formateur d'enseignants. Par la même occasion, j'ai obtenu une licence de management des activités équestres. J'ai pu travailler un peu partout grâce à cela, en aidant des grands cavaliers. Puis je me suis demandé : "serais-je champion olympique un jour" ? Je ne pensais pas y arriver malgré le fait que j'étais bon cavalier. Je voulais alors tout recommencer à zéro. Je voulais tout de même garder un lien avec le cheval et c'est comme cela que j'ai pensé aux hippodromes. J'ai alors toqué à la porte de France Galop pour devenir ouvrier de piste, chose j'ai faite durant deux ans à Saint-Cloud. J'y ai appris toutes les bases du métier : rebouche de trous, débroussailleuse et différentes actions mécaniques. Au bout de deux ans, je voulais évoluer. A ce même moment, les courses d'obstacles d'Enghien ont été transférées à Compiègne. J'y étais régisseur adjoint. J'y ai passé là-bas deux années très constructives. J'ai pu y découvrir les spécificités d'une piste d'obstacles. J'ai tout appris crescendo, je n'ai brûlé aucune étape. Ensuite, j'ai eu l'opportunité de devenir régisseur des deux hippodromes de Lyon (Parilly, La Soie). J'ai donc pu apprendre là-bas les spécificités d'une piste de trot et de la PSF. J'ai adoré m'occuper d'une piste de trot, il y a énormément de contraintes et c'est ce que j'adore. Deux années plus tard, j'ai eu la chance de pouvoir être chef des établissements des hippodromes de Vincennes et Enghien. Moi qui déteste m'ennuyer, c'était le top. J'ai actuellement une équipe de 41 personnes à gérer sur toute l'année avec tous les corps de métiers : électriciens, plombiers, hommes de piste, climatiseur, ... Il y a un gros travail administratif avec notamment la mairie de Paris, ce qui était compliqué pour moi au début car j'aime être sur le terrain, mais cela me passionne désormais.


Julius Le Tutour à cheval.



- Vous m'avez dit que vous devez gérer 41 personnes, mais est-ce que ce nombre diffère en plein meeting et entre deux meetings ?


- C'est toujours le même nombre, ce sont 41 personnes à temps complet. Parfois, des gens disent "Oh lala, cela fait énormément de personnes", mais c'est normal. Par exemple, durant le meeting de Vincennes, où il y a 88 jours de courses répartis en même pas quatre mois, automatiquement ces gens-là vont prendre des jours de repos. Il y a un turnover des équipes, d'où la nécessité d'avoir autant de personnels. Il ne faut pas oublier que Vincennes c'est 11 hectares de piste, c'est gigantesque !


- Vous aviez parlé auparavant des différents corps de métiers, pouvez-vous tous les citer ?


- Il y a tout d'abord les métiers de piste. Cela correspond à l'entretien de la piste et des espaces verts. Ce sont des métiers manuels et de conducteurs d'engins. L'Homme qui est capable de pointer (aérer) la piste est aussi quelqu'un qui peut prendre une pelle et remonter le mâchefer. Ils sont polyvalents.

Il y a aussi une partie écurie. Ces hommes là s'occupent de l'entretien des écuries. L'après-midi ils vont devenir conducteur de l'autostart, de la voiture des juges, ...

Il y a aussi une partie bâtiment qui comprend le secteur électrique, le secteur plomberie, le secteur peinture.

Il y a enfin la régie administrative composée de la cheffe d'établissement adjointe, de deux gestionnaires administratifs et de moi !

Globalement, vous pouvez retenir que mon équipe est polyvalente !


La piste de Vincennes.



- Vincennes est réputé en partie pour sa piste noire et son fameux mâchefer. Pourquoi la piste est-elle ainsi ?


- C'est un outil absolument formidable. Il s'adapte à toutes les températures. Il a une meilleure résistance au gel que le sable. Il a cependant un petit défaut : c'est durant les fortes chaleurs. Il est compliqué de l'arroser car il sèche très vite. Le sable comme à Enghien va être beaucoup plus bénéfique car il a un pouvoir argileux et garde donc plus l'eau. Mais vu que le meeting de Vincennes a lieu l'hiver, il est actuellement impossible de se passer du mâchefer.


La piste d'Enghien.



- A quelle fréquence faut-il refaire la surface avec le mâchefer ?


- Il faut le faire deux fois par an. On l'a fait à la fin du meeting d'hiver de Vincennes, durant les trois semaines sans course. On a remplacé le mâchefer à la surface, on va remplacer la totalité des pistes entre un et deux centimètres à la surface. Ensuite, il y a les travaux d'été, à partir de début juillet, qui sont plus importants. Là, on retire entre deux et trois centimètres.

Après, en cours d'année, on parsème la piste de mâchefer pour que la piste reste souple.


Décapage de la piste de Vincennes.



- D'un point de vue financier, est-ce plus cher que du sable ?


- C'est exactement pareil ! Aucune différence.



- Entre deux courses, que faites-vous comme entretien ?


Pendant les courses, on ne peut rien inventer. On va beaucoup arroser. Le chef de piste donnera alors ordre au conducteur du tracteur à quelle vitesse il faudra rouler à quel endroit de la piste. Il lui dira également si tel endroit ne doit pas être arrosé. On va ajuster l'arrosage. Il y a aussi un tracteur qui passe pour herser.

Mais le plus gros du travail se passe le matin. Cela passe par un bon arrosage de la piste, par un bon choix d'aération, on va choisir la profondeur sur laquelle on va aérer. Quand il y a un risque d'averse, on va à peine l'effleurer.

Il y a aussi l'homme qui va niveler la piste, avec une grosse niveleuse. Il ne faut pas se tromper sinon il peut créer des trous ou des espèces de bosses.



- Y a-t-il une différence au niveau de l'entretien entre la partie plate de la piste et les parties descendantes et montantes ?


Il peut y en avoir. En fait, vu que le mâchefer est un corps vivant à mes yeux, il faut s'adapter à lui. C'est grâce au suivi des hommes de piste que l'on va pouvoir s'adapter. Il est important également de dialoguer avec les socioprofessionnels pour avoir leurs avis, qui comptent énormément pour nous.



Toutes les photographies utilisées m'ont été transmises par Julius Le Tutour.








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